Réaction du réseau thématique “sociologie de l’éducation et de la formation” (RT4) de l’Association française de sociologie
Des “allègements” dans le programme de sciences économiques et sociales (SES), annoncés avant l’été puis retirés suite aux nombreuses contestations ont finalement été récemment confirmés, dans un relatif silence. Trois chapitres de terminale, portant respectivementsur l’école, les inégalités et la justice sociale, et les crises financières sont suspendus.
Cette mesure est présentée comme une réponse aux attentes des enseignants de SES.
En effet, l’association des professeurs de SES (APSES) et des syndicats dénonçaient déjà depuis leur publication la lourdeur des programmes. Cependant, l’annonce de la mesure, plusieurs jours après la rentrée scolaire, pose problème.
Tout d’abord ôter trois chapitres à ce moment de l’année, alors que les enseignant·es ont déjà construit leur progression annuelle, risque de perturber toute leur organisation. Au-delà du caractère tardif de la mesure, qui témoigne, encore une fois, d’un profond mépris pour les enseignant·es et leur travail, le choix des chapitres supprimés pose question, sur la forme comme sur le fond. Ni les enseignant·es du secondaire ni les universitaires n’ont été consultés.
Surtout, le choix de ces chapitres n’est pas neutre. Il s’agit de trois chapitres qui permettent aux élèves d’interroger les inégalités, dans toutes leurs dimensions (économiques, sociales, culturelles) et, in fine, de questionner l’ordre établi. En ce qui concerne la sociologie, ces thématiques résonnent à la fois avec des travaux fondateurs de la discipline et avec des recherches plus contemporaines. En dialogue avec d’autres disciplines, comme la philosophie, se confronter à plusieurs principes de justice sociale, parfois complémentaires, parfois concurrents, permet aux élèves de mieux appréhender des débats publics très contemporains sur des sujets comme les revenus, la fiscalité, l’accès aux services publics, les discriminations, etc.
De même, le chapitre sur l’école donne aux élèves une occasion de réfléchir à leur propre expérience et à celles de leurs camarades. Les analyses sociologiques mobilisées en classe, donnent aux élèves des clés de compréhension permettant de mieux comprendre leur propre parcours et celui des autres. C’est sans doute ce qui explique qu’il est un chapitre apprécié des élèves, qui fait écho à des préoccupations concrètes, dans un moment où l’imminence de Parcoursup les amène à se poser de nombreuses questions. Dans un contexte où les trajectoires scolaires restent très fortement marquées par l’origine sociale, et ce tout particulièrement en France, interroger le discours méritocratique apparaît également salutaire. L’enjeu, de taille, est bien de donner aux élèves une connaissance fine des mécanismes sociaux afin de leur donner tous les outils pour déjouer les déterminismes qui pèsent sur eux.
Le réseau thématique “sociologie de l’éducation et de la formation” (RT4) de l’Association française de sociologie regrette tout particulièrement la suppression de ces chapitres, sans concertation aucune. La justice sociale comme l’école sont en effet des thématiques qui donnent lieu à des recherches particulièrement dynamiques. Les travailler contribue de façon importante à la compréhension du monde social, outillée par les connaissances issues des sciences, pour pouvoir agir ensuite comme citoyenne ou citoyen éclairé·e. Comme des associations professionnelles et des syndicats, le RT4 demande d’ouvrir une réflexion sur les programmes de SES . Cela suppose une concertation avec l’ensemble des actrices et acteurs concernés, parmi lesquels les enseignant·es ainsi que les chercheuses et chercheurs en sociologie.
RT4, le 27 septembre 2024
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Ruggero Iori (27 septembre 2024). Programmes de SES : Des “allègements” qui ignorent la recherche et celles et ceux qui la font. Sociologie de l’éducation et de la formation. Consulté le 15 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12dk2